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dimanche 7 août 2016

Risques liés à un montage fiscal en matière de TVA : être taxé deux fois à la TVA. Une fois dans le pays où l’on prétend être établi et une autre dans le pays que l’administration fiscale retient pour votre établissement !

Les faits
Un hongrois crée un savoir-faire qu’il transfère en 2008, pour des raisons successorales, à une fondation localisée au Liechtenstein. Commercialement son savoir-faire est exploité par une société dont il est l’actionnaire-gérant.
Un mois plus tard, la Fondation liechtensteinoise octroie une licence d’exploitation à une société portugaise LG, de Madère, détenue par un ressortissant français, connu pour ses talents dans les services sur l’Internet.
Quelques mois plus tard, une autre société portugaise HP, également détenue par le ressortissant français, achète le savoir-faire à la Fondation liechtensteinoise et, un an plus tard, ce savoir-faire est vendu par HP à une troisième société portugaise WM qui poursuit la licence d’exploitation accordée à LG.
WM, dans le cadre du rachat à HP, s’est engagé à poursuivre le développement et la mise à jour du savoir-faire envers les clients de LG. Ces derniers, pour bénéficier des services liés à l’exploitation du savoir-faire, achètent par carte des crédits sur les deux sites web exploités par LG.
Les prestations sur les sites web sont assurées par des personnes liées avec LE, établie au Seychelles.
Fort de sa liste des clients, de sa base de données et du contrat de licence lié à l’exploitation du savoir-faire, LG revend ses droits et actifs à une société luxembourgeoise LU.
En 2013, l’administration fiscale hongroise effectue un contrôle portant sur les années 2009 à 2011 et elle conclut que le résident hongrois qui a conçu le savoir-faire n’avait pas effectivement transféré le droit d’exploitation du savoir-faire à LG et qu’il prenait toutes les décisions nécessaires à l’accroissement du chiffre d’affaires généré par les sites Internet, de sorte qu’il devait être considéré que l’exploitation avait en réalité lieu en Hongrie. Un redressement de 33.796.809,05 EUR d’impôts, dont 32.858.582,24 EUR de TVA ainsi qu’une amende de 25.347.605,99 EUR et des pénalités de retard de 9.529.497,91 EUR lui sont réclamés, alors que la TVA (16% à Madère à l’époque) et les impôts ont été payés au Portugal, certes à des taux plus faibles qu’en Hongrie (TVA de 27%).
Afin de parvenir à cette démonstration du caractère prépondérant du résident hongrois dans la gestion des sites et aboutir à la procédure fiscale, une procédure pénale avait été diligentée par le service d’enquête pénale de l’administration nationale des impôts et des douanes hongroises. Dans le cadre de cette procédure, l’autorité d’enquête avait, avec l’autorisation d’un juge d’instruction, procédé à la mise sous écoute des conversations téléphoniques de plusieurs personnes, dont celles de le résident hongrois, le conseiller juridique de WM, de son comptable et du propriétaire de LG ; ainsi qu’à la saisie et à la sauvegarde de 71 courriers électroniques de WM et ce sans autorisation judiciaire, comme l’ont indiqué lors de l’audience l’administration fiscale de premier degré et le gouvernement hongrois.
Existe-t-il un abus à des fins fiscales ? 
La constitution d’une société à l’étranger n’est pas interdite, même incitée dans le cadre de la liberté de prestation et d’établissement. Elle correspond à une réalité économique, ce qui exclut l’existence d’un abus, lorsqu’elle implique une implantation réelle ayant pour objet l’accomplissement d’activités économiques effectives dans l’État membre d’accueil. La vérification de la réalité de la poursuite d’une activité économique doit reposer sur des éléments objectifs et vérifiables par des tiers, relatifs, notamment, au degré d’existence physique de la société en cause en termes de locaux, de personnel et d’équipements. Afin de vérifier qu’une société ne soit pas une «écran» ou «boîte aux lettres», les autorités fiscales d’un Etat membre doivent faire usage de l’article 7 du règlement n° 904/2010 afin d’obtenir des autorités fiscales de l’autre Etat membre les informations nécessaires pour trancher ce point de la réalité de l’activité économique.
Le gouvernement portugais n’a pas été sollicité sur ce point et il a confirmé que LG s’est conformée, au Portugal, à ses obligations en matière de TVA et la localisation des opérations en fonction de la qualité des clients a été correctement appliquée par LG.
Le fait, pour une société comme WM, de choisir d’utiliser les services d’une société indépendante comme LG qui est établie dans un État membre où les taux d’imposition à la TVA sont moins élevés ne saurait constituer en soi un usage abusif de la libre prestation de services consacrée par l’article 56 TFUE. Les opérateurs économiques peuvent exercer leurs libertés fondamentales de la façon qui leur permet de minimiser leur charge fiscale, pour autant qu’il y a un exercice véritable de la liberté en cause, c’est-à-dire une livraison de biens, une prestation de service, un mouvement de capitaux ou un établissement en vue d’exercer réellement une activité économique ou commerciale. La Cour de justice a jugé, à plusieurs reprises, que les assujettis sont généralement libres de choisir les structures organisationnelles et les modalités transactionnelles qu’ils estiment les plus appropriées pour leurs activités économiques et aux fins de limiter leurs charges fiscales (C-103/09 Weal Leasing).
Pour déterminer l’existence d’un abus fiscal, il convient seulement d’analyser l’ensemble des circonstances de faits pour déterminer si le contrat de licence constituait un montage purement artificiel dissimulant le fait que la prestation de services en cause n’était pas réellement fournie par la société LG, preneuse de la licence, mais l’était en fait par la société ou la personne donneuse de la licence. Cette preuve doit être recherchée notamment au regard de l’implantation réelle et non fictive du siège de l’activité économique ou de l’établissement stable de la société preneuse de licence. Cette société, aux fins de l’exercice de l’activité économique concernée, possédait-elle une structure appropriée en termes de locaux, de moyens humains et techniques, ou encore exerçait-elle cette activité économique pour son propre nom et pour son propre compte, sous sa propre responsabilité et à ses propres risques ? Voici les seuls éléments pertinents pour répondre à la question d’un éventuel abus fiscal.
Abus fiscal et double imposition
Il existe un risque de double imposition étant donné que toutes les taxes ont été payées au Portugal. Tant que le droit de l’Union n’imposera pas aux administrations fiscales des États membres une obligation de reconnaissance mutuelle de leurs décisions respectives, ce risque existera.
En cas d’abus fiscal, le risque de double imposition oblige les autorités fiscales d’un État membre, avant de requalifier le lieu de prestation d’un service et de considérer qu’elle a été effectuée sur son territoire aux fins de percevoir les taxes, à adresser une demande de renseignements aux administrations fiscales de ces autres États membres, sous le règlement (UE) n° 904/2010, lorsqu’une telle demande est utile, voire indispensable, pour déterminer que la TVA est exigible dans le premier État membre.
Utilisation de données du dossier pénal et respect du droit à la vie privée
La notion de vie privée doit être interprétée comme incluant les activités professionnelles ou commerciales des personnes morales. Il est donc essentiel d’apprécier si la collecte de preuves au cours d’une procédure pénale parallèle à la procédure de redressement TVA par l’interception de conversations téléphoniques, ainsi que par la saisie et la sauvegarde de courriers électroniques, est conforme aux articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Une réponse positive à cette appréciation ne peut être retenue par une juridiction que sous trois conditions : les moyens d’investigation sont prévus par la loi ; la procédure diligentée poursuit un but légitime et elle est proportionnée. Bien entendu, l’assujetti doit avoir eu la possibilité, dans le cadre de la procédure administrative, d’avoir accès à ces preuves et d’être entendu sur celles-ci. A défaut les preuves obtenues sont déclarées nulles et doivent être écartées.
Conclusion
La conclusion d’un contrat de licence ne peut être considérée comme abusive au regard de la directive TVA 2006/112/CE que si son but essentiel est l’obtention d’un avantage fiscal dont l’octroi serait contraire à l’objectif poursuivi par les dispositions de la directive.
En soi, choisir un autre Etat membre où les taxes sont plus favorables n’est pas interdit tant que cette implantation est matérialisée par une substance cohérente en termes de locaux, de moyens administratifs, humains et techniques.
A défaut, le risque de double imposition en TVA est réel et difficile à combattre efficacement.

Jean Pierre RIQUET
Juriste Fiscaliste TVA

CJUE, C-419/14, WebMindLicenses, 17 décembre 2015

jeudi 4 août 2016

Les limites au droit de déduire la TVA

Pour l’exercice du droit à déduction, un Etat membre peut prévoir, dans sa réglementation, un délai de forclusion, pour autant que les principes d’équivalence et d’effectivité sont respectés.
Par ailleurs, l’administration fiscale peut refuser à un assujetti le droit de déduire la TVA lorsqu’il est établi que ce dernier a manqué de manière frauduleuse à la plupart des obligations formelles qui lui incombaient pour pouvoir bénéficier de ce droit.
CJUE 28 juillet 2016, n° C-332/15

Le monopole de Bercy sur les poursuites pour fraude fiscale est constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a validé la disposition du Livre des procédures fiscales qui subordonne le déclenchement des poursuites pénales pour fraude fiscale au dépôt d’une plainte par le fisc.

En principe, en matière de fraude fiscale, la mise en mouvement de l'action publique est subordonnée au dépôt d'une plainte préalable de l’administration fiscale (LPF art. L. 228). Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel vient de juger cette disposition conforme à la Constitution.
Dans l'affaire, le requérant estimait qu'il résultait de ce mécanisme une méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs et du principe d'indépendance de l'autorité judiciaire.
Le Conseil constitutionnel admet que la nécessité d’une plainte préalable porte atteinte au libre exercice de l’action publique par le Parquet, et donc à l’indépendance de l’autorité judiciaire. Mais il considère que cette atteinte n’est pas disproportionnée car :
- une fois la plainte déposée par l'administration, le procureur de la République dispose de la faculté de décider librement de l'opportunité d'engager des poursuites ;
- les infractions pour lesquelles une plainte de l'administration préalable aux poursuites est exigée concernent des actes qui portent atteinte aux intérêts financiers de l'État et causent un préjudice principalement au Trésor public. Ainsi, dans l'hypothèse où l'administration, qui est à même d'apprécier la gravité des atteintes portées à ces intérêts collectifs protégés par la loi fiscale, ne dépose pas de plainte, l'absence de mise en mouvement de l'action publique qui en résulte ne constitue pas un trouble substantiel à l'ordre public ;
- la compétence pour déposer la plainte préalable obligatoire relève de l'administration qui l'exerce dans le respect d'une politique pénale déterminée par le Gouvernement conformément à l'article 20 de la Constitution et dans le respect du principe d'égalité.

Cons. const. 22-7-2016 n° 2016-555 QPC

Le monopole de Bercy sur les poursuites pour fraude fiscale est constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a validé la disposition du Livre des procédures fiscales qui subordonne le déclenchement des poursuites pénales pour fraude fiscale au dépôt d’une plainte par le fisc.

En principe, en matière de fraude fiscale, la mise en mouvement de l'action publique est subordonnée au dépôt d'une plainte préalable de l’administration fiscale (LPF art. L. 228). Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel vient de juger cette disposition conforme à la Constitution.
Dans l'affaire, le requérant estimait qu'il résultait de ce mécanisme une méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs et du principe d'indépendance de l'autorité judiciaire.
Le Conseil constitutionnel admet que la nécessité d’une plainte préalable porte atteinte au libre exercice de l’action publique par le Parquet, et donc à l’indépendance de l’autorité judiciaire. Mais il considère que cette atteinte n’est pas disproportionnée car :
- une fois la plainte déposée par l'administration, le procureur de la République dispose de la faculté de décider librement de l'opportunité d'engager des poursuites ;
- les infractions pour lesquelles une plainte de l'administration préalable aux poursuites est exigée concernent des actes qui portent atteinte aux intérêts financiers de l'État et causent un préjudice principalement au Trésor public. Ainsi, dans l'hypothèse où l'administration, qui est à même d'apprécier la gravité des atteintes portées à ces intérêts collectifs protégés par la loi fiscale, ne dépose pas de plainte, l'absence de mise en mouvement de l'action publique qui en résulte ne constitue pas un trouble substantiel à l'ordre public ;
- la compétence pour déposer la plainte préalable obligatoire relève de l'administration qui l'exerce dans le respect d'une politique pénale déterminée par le Gouvernement conformément à l'article 20 de la Constitution et dans le respect du principe d'égalité.

Cons. const. 22-7-2016 n° 2016-555 QPC

Autoliquidation de la TVA import : opter sans tarder !!!

Depuis le 22 juin 2016, les entreprises établies dans l’UE ont la possibilité d'autoliquider la TVA sur leurs importations sur simple option, sans autre condition. En effet, celle relative à l’obtention de l’agrément à la procédure de domiciliation unique (PDU) en matière douanière a été supprimée par la loi sur l’économie bleue.

Ainsi, les options doivent être adressées dans les meilleurs délais aux services douaniers car ce régime devrait être modifié par la loi « Sapin 2 » actuellement débattue au Parlement qui, selon nos informations, ne devrait pas être adoptée avant la fin du mois de septembre et qui devrait réintroduire un régime d’autorisation préalable basée sur le respect de quatre conditions qui serait apprécié par la douane.

Les sociétés qui auront opté sous le bénéfice de la loi sur l’Economie Bleue verront leurs options automatiquement validées pendant trois ans mais ne pourront pas bénéficier du renouvellement automatique prévu dans la loi. Elles seront donc tenues de solliciter une autorisation au terme du délai de trois ans. Ce délai laisse, cependant, suffisamment de temps aux entreprises pour s’adapter à la nouvelle législation.

Par ailleurs, le projet de loi « Sapin 2 » prévoit que les redevables établis hors de l’UE doivent désigner un représentant en douane ayant le statut d'Opérateur Economique Agréé (OEA). Ce projet de loi prévoit donc un régime plus favorable pour les sociétés établies hors de l’UE car en pratique tous les représentants en douane ont le statut d’OEA.

Loi 2016-816 du 20 juin 2016, art. 27, JO du 21 ; Projet de loi « Sapin 2 », art. 23 ter

Directive « Bons » : règles TVA harmonisées

Le 27 juin dernier le Conseil européen a adopté la directive 8741/16 relative au régime TVA des bons. Cette directive, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2019, vise à harmoniser dans tous les Etats membres de l’UE le régime TVA des bons.

Cette directive a défini et classifié les bons et a déterminé le régime fiscal applicable selon la nature juridique du bon.

Un bon est défini comme étant un instrument qui est assorti d’une obligation de l’accepter comme contrepartie totale ou partielle d’une livraison de biens ou d’une prestation de services et pour lesquels le bien à livrer ou le service à prester ou l’identité de leurs fournisseurs ou prestataires potentiels sont indiqués soit sur l’instrument même, soit dans la documentation correspondante.

Il convient de faire la distinction entre les bons à usage unique (BUU) pour lesquels le lieu de la livraison est connu au moment de son émission et les bons à usages multiples (BUM) pour lesquels le lieu de taxation et/ou le taux de TVA ne sont pas déterminés avec suffisamment de précision pour déterminer la TVA au moment de l’émission du bon.

La vente d’un « BUU » est considérée comme une livraison de biens ou du service auquel le bon se rapporte et cette opération emporte la taxation immédiate comme si l’opération sous-jacente était réalisée.

En revanche, la vente d’un « BUM » est une opération non taxable. Seule l’opération sous-jacente sera taxée au moment de sa réalisation par le prestataire qui reçoit le bon. La base imposable est constituée par la contrepartie payée en échange du « BUM ».

Cette classification ne concerne que les bons remis à titre onéreux. En sont donc exclus les bons remis gratuitement, lesquels suivent le régime fiscal des cadeaux.

Directive 8741/16 du 27 juin 2016

Les limites au droit de déduire la TVA

Pour l’exercice du droit à déduction, un Etat membre peut prévoir, dans sa réglementation, un délai de forclusion, pour autant que les principes d’équivalence et d’effectivité sont respectés.

Par ailleurs, l’administration fiscale peut refuser à un assujetti le droit de déduire la TVA lorsqu’il est établi que ce dernier a manqué de manière frauduleuse à la plupart des obligations formelles qui lui incombaient pour pouvoir bénéficier de ce droit.

CJUE 28 juillet 2016, n° C-332/15